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J'ai vécu six ans à Molenbeek
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"J'ai vécu six ans à Molenbeek, alors je sais de quoi je parle"
Gepubliceerd in L'Echo op donderdag 24 december 2015. Auteur: Martin Buxant
LE RÉSUMÉ
À 36 ans, Sander Loones est député européen et vice-président de la N-VA. Bart De Wever himself l'a présenté comme son successeur possible à la tête de la formation nationaliste flamande. Ce Ouest-Flamand a habité six ans au centre de Molenbeek: "Il y a de très bonnes choses qui se passent dans cette commune, mais la naïveté du PS et d'Onkelinx sur la sécurité, ça suffit."
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Certains diraient le chat parti, les souris dansent. Le chat, en l'occurrence, il est à Anvers et la souris, elle, est à Bruxelles. Quoi qu'il en soit, c'est un signe qui ne trompe pas, Sander Loones est assis dans le bureau du chef. Au siège de la N-VA, à Bruxelles, là où le président Bart De Wever ne vient plus que rarement - occupé qu'il est par sa charge mayorale anversoise.
Loones, 36 ans, est vice-président de la N-VA, et en 2015, l'air de ne pas y toucher, De Wever a braqué tous les projecteurs sur lui en lâchant qu'il voyait en son vice-président un des successeurs possibles à la présidence. "Quand Bart a fait cette déclaration, j'ai plutôt pris cela comme un gros compliment, un remerciement de tout ce qu'on a fait ensemble pendant les négociations gouvernementales. C'est amusant, mais après on verra... On a le temps."
Le nationalisme-flamand, Sander Loones est tombé dans la marmite très jeune déjà. "Mon père était parlementaire pour la Volksunie, dit-il en français dans le texte. Je suis de la côte, je viens de Coxyde-Oostduinkerke. Tout petit, déjà, mon père m'amenait dans les congrès de la Volksunie." À la KUL, il étudie le droit et s'engage chez les jeunes de la Volksunie. Mais voilà que survient la crise à la VU, grosso modo bloc de gauche contre bloc de droite. 2001-2002, son père est un des sages nommés qui préconisent la scission de la VU et la création d'un nouveau parti. Ce sera la N-VA. Dans les pas du grand manitou nationaliste-flamand Geert Bourgeois. "Mon père est anticonformiste et très flamingant. Comme moi d'ailleurs. Et on savait que le nationalisme flamand serait beaucoup mieux défendu avec la N-VA." C'est là, autour des De Wever and co, que gravite une bande de louveteaux flamingants - avec Theo Francken et l'actuelle députée Sarah Smeyers entre autres. "On a passé du bon temps tous ensemble", se souvient-il.
"Après mes études de droit, je me spécialise en droit des étrangers, j'ai toujours été intéressé par le droit public, mélange d'intérêt général et de très concret. La politique migratoire, c'est par excellence ce qui est fondamental pour voir comment une société se forme." Il saisit l'opportunité d'aller travailler au bureau d'études de l'Office des étrangers, s'attelle à la rédaction de projets de lois. Notamment en compagnie du ministre de tutelle de l'époque Patrick Dewael. "C'était super intéressant: c'est là que je me suis fait les dents sur la manière d'écrire des grands projets de loi." Mais le jeune Loones a des envies d'ailleurs. Sac au dos, il prend une année sabbatique pour faire le tour du monde. Il raconte: "On a été en Chine, mais c'était la misère totale avec les visas. Pareil pour entrer en Inde, très difficile mais le pays est magique". Hong-Kong, Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Nouvelle-Zélande, Australie, Chili, Pérou, Bolivie et puis... Et puis, plus d'argent. "On a dû rentrer après 10 mois un peu plus tôt que prévu." Retour à la case Office des étrangers en 2010, alors que la Belgique entre dans la plus longue crise politique connue à ce jour.
C'est la négociation entre le Parti socialiste et la N-VA: les deux grands partis se font face pour la première fois. Loones décroche son téléphone et appelle Theo Francken. "Si tu as besoin de quelqu'un pour vous aider dans les matières immigration, dis-le moi", lui décoche-t-il. Et voilà qui est fait: "J'ai négocié avec le Parti socialiste, avec Anne Poutrain, etc., c'était très amusant cette période-là. C'était la première fois qu'on a pu régionaliser des parties du droit de la migration." Il poursuit: "Au début, on a cru que le PS avait compris, mais il n'en a jamais rien été, ils ont toujours traîné les pieds en disant ça, c'est très très difficile, tout est toujours difficile avec eux. À un certain moment, tu apprends à parler la langue PS, on peut parler des choses difficiles mais pas de celles qui sont très très difficiles."
Un pied dedans, un pied dehors, à l'Office des étrangers, tout en étant négociateur pour la N-VA, "ce n'était plus tenable". Car la schizophrénie n'est pas loin: "À un certain moment, j'avais rédigé les propositions ambitieuses de la N-VA, mais je devais négocier contre le propre texte que j'avais écrit avant pour l'administration et qui était alors soutenu par le PS et le cdH. Je ne pouvais pas négocier contre mon propre secrétaire d'Etat, c'était Melchior Wathelet à l'époque."
"Je suis un technicien plus qu'un politicien. En 2014, je ne voulais pas être candidat mais on m'a proposé d'être le premier suppléant de Johan Van Overtveldt sur la liste européenne. Une offre que je ne pouvais pas refuser. Johan devient ministre des Finances et je fais mon entrée au Parlement européen." Aujourd'hui, c'est bel et bien Sander Loones qui discute politique monétaire avec Mario Draghi. "Je ne suis pas un grand économiste comme Johan mais j'ai hérité de son poste de vice-président de la commission économique du Parlement européen."
Là, il évoque le Parti socialiste et la commune de Molenbeek - sous les feux de la rampe actuellement. Et il parle en connaissance de cause, dit-il. "J'ai vécu six ans à Molenbeek et deux ans à Jette, je sais de quoi je parle. À Molenbeek, j'habitais à Osseghem, là où il y a eu les premières perquisitions après les attentats de Paris. Je ne dramatise pas ce qui arrive. Mais comment voulez-vous qu'on prenne les leçons des socialistes au sérieux? Quand Laurette Onkelinx nous dit que tout est safe à Molenbeek, c'est de la naïveté. C'est à 200 mètres de chez moi qu'ils ont trouvé le terroriste Nizar Trabelsi. Ma femme était enseignante dans une école primaire au centre de Molenbeek, nos enfants allaient là, ils étaient aussi à la crèche, la fameuse crèche où on avait tiré dans la façade... Je dis: il y a beaucoup de bonnes choses qui se passent à Molenbeek. L'école où travaillait ma femme, par exemple, est une école qui s'investit dans la société; il y a une école de cirque, il y a du sport, il y a une école de devoirs, ils sont très engagés. Mais ce que je ne comprends pas, c'est à quel point les Molenbeekois sont toujours sur la défensive. Pourquoi ne disent-ils pas plus fort: j'en ai marre que mes enfants doivent résider à 200 mètres d'un terroriste et où on fabrique des ceintures d'explosifs pour les kamikazes. Ce n'est pas normal. Il faut oser condamner cela".
Avec la naissance de son troisième enfant, il a quitté Bruxelles au printemps dernier pour s'en retourner vers la côte. S'il avait un peu de temps, il se (re)mettrait au char à voile. "J'ai passé ma jeunesse à désensabler celui de mon père, je m'y connais. C'est d'ailleurs cela qui me vaut d'avoir mal au dos aujourd'hui."
24 décembre 2015